Le silence des villes, P. le Coz

Il s'éveille dans la profondeur calme et sombre de la nuit d'été. Pas un bruit; la ville s'est endormie et les étoiles ont éclaté comme de l'herbe. Il sort sur la terrasse pour regarder la mer qui respire faiblement sous le ciel. L'heure la plus étrange et la plus douce : lorsque le monde est enfin rendu à lui-même et que le mystère peut sourdre. Ombre sur l'ombre, les feuillages bougent à peine contre le fond bleu et noir de la nuit : comme s'ils méditaient eux aussi; comme s'ils cherchaient eux aussi à faire venir une parole. Les astres sont si lointains, et pourtant il lui semble qu'il pourrait les toucher rien qu'en étendant le bras. Mais il se contente de les effleurer du regard, les laisse à leur faction muette au-dessus de la terre assoupie. Passer pour qu'ils continuent de luire — parler pour qu'ils continuent de se taire. Demain il sera parti; pour l'heure il veut seulement approfondir ce sentiment de stupeur émerveillée, aller au bout de cette parfaite solitude sous les nébuleuses, comme si tout au fond de leur puits noir s'ouvrait un passage, un salut. Oui sans doute, là-bas, derrière toutes les épaisseurs, par-delà toutes les distances, il y a le fond radieux du monde, le feu insoutenable du dehors dont les étoiles, dans leur splendeur, ne sont que les pâles témoins. Comment le rejoindre ? Comment jeter le regard de l'autre côté ? Les astres semblent s'être encore rapprochés; la mer bouillonne sous eux, laiteuse louange à leur inaccessibilité.