Gaston Puel, "42 sirventès pour Jean-Paul"

Le titre du dernier recueil de Gaston Puel (Centre Joë Bousquet et son temps, 207 p., 15€) l'inscrit dans la filiation de la poésie courtoise. Il nous indique également que la poésie est reconnaissance et fidélité, servante desservant la grande cène où la vie convoque sans relâche les existants. Chacun des livres où ces poèmes ont d'abord édités par Jean-Paul Martin aux éditions Rivières a été un moment privilégié de cette célébration du monde où la voix du poète et le regard des peintres ont croisé et échangé leurs harmoniques respectives. Le beau livre que nous donne à lire le Centre Joë Bousquet et son temps doit être lu dans cette perspective :

Quand tu t'obstines à fermer les paupières rien ne rappelle ce que fut ta présence, sa souveraine clarté, sa rieuse assurance, tu t'absentes sans doute, scellant le jour à la nuit des aveugles. Oui, tu riais, nous habitions le bonheur minutieux, invisible, qui berçait nos journées. Si tu ris aujourd'hui c'est sans gaieté, sans mobile, si tu parles c'est sans raison, sans emploi, tu te noies dans un rêve obscur où rien ne saurait te secourir. Nous étions si proches, réunis dans la minuscule fêlure du présent et maintenant face à face à des années-lumière l'un de l'autre alors que dans mon pitoyable espace pointent quelques lueurs d'anciens bijoux, épaves se heurtant dans ma funèbre mémoire, où tintent les couverts des repas qu'enfant alité j'entendais comme la sonate d'un bonheur familial dont j'étais exclu et qui, s'amplifiant avec le soutien des conversations de la tablée, s'étiolait dans ma chambre en une puérile complainte abolissant le proche et le lointain, m'invitant à fermer les paupières en ravalant mes larmes. 

Les Éd. Rivières : http://leseditionsderivieresoulaprespab.midiblogs.com/
Le Centre Joë Bousquet et son temps : http://cjbousquet.canalblog.com/